Entier friable

En théorie des nombres, un nombre friable, ou lisse, est un entier naturel dont l'ensemble des facteurs premiers sont petits, relativement à une borne donnée.

Les entiers friables sont particulièrement importants dans la cryptographie basée sur la factorisation, qui constitue depuis une vingtaine d'années une branche dynamique de la théorie des nombres, avec des applications dans des domaines aussi variés que l'algorithmique (problème du logarithme discret), la théorie de la sommabilité (sommation friable des séries de Fourier[1]), la théorie élémentaire des nombres premiers (preuve élémentaire du théorème des nombres premiers de Daboussi en 1984[2]), la méthode du cercle (problème de Waring), le modèle de Billingsley, le modèle de Kubilius (en), l'inégalité de Turán-Kubilius (en), les théorèmes de type Erdős-Wintner, etc.

Terminologie

Le terme smooth (lisse) est proposé en anglais par le cryptologue américain Ronald Linn Rivest au début des années 1980[3]. Le terme friable, qui désigne la capacité d'un objet à se réduire en menus fragments, est ensuite proposé par l'ingénieur polytechnicien Jacques Balazard, époux de l'écrivaine Simone Balazard et père du mathématicien Michel Balazard. Il s'impose peu à peu à toute la littérature en français et une partie de celle en anglais[4].

Définition

Un entier strictement positif est dit B-friable, ou B-lisse, si tous ses facteurs premiers sont inférieurs ou égaux à B.

Par exemple 72 900 000 000 = 28 × 36 × 58 est 5-friable car aucun de ses facteurs premiers ne dépasse 5.

Dans cette définition, B n'est pas nécessairement un facteur premier de l'entier B-friable : 12 est 5-friable, ou 5-lisse, même si 5 n'est pas un facteur de 12. Le nombre B n'a pas non plus besoin d'être premier.

Répartition

D'après Hildebrand-Tenenbaum[5], pour tout ε > 0 {\displaystyle \varepsilon >0} , le nombre Ψ ( x , y ) {\displaystyle \Psi (x,y)} des entiers y-friables n'excédant pas x vérifie

( ) Ψ ( x , y ) = x ϱ ( u ) exp O ( R ) {\displaystyle (*)\qquad \Psi (x,y)=x\varrho (u)\exp {O(R)}\;}

dès que y > ( log x ) 1 + ε {\displaystyle y>(\log x)^{1+\varepsilon }} , où u := ( log x ) / log y {\displaystyle u:=(\log x)/\log y} , et

R := ( log ( u + 1 ) ) / log y + u exp ( ( log y ) 3 / 5 ε ) . {\displaystyle R:=(\log(u+1))/\log y+u\exp(-(\log y)^{3/5-\varepsilon }).}

Cela implique notamment

( ) Ψ ( x , y ) = { 1 + o ( 1 ) } x ϱ ( u ) {\displaystyle (**)\qquad \Psi (x,y)=\{1+o(1)\}x\varrho (u)\;}

si y > exp ( log log x ) 5 / 3 + ϵ {\displaystyle y>\exp(\log \log x)^{5/3+\epsilon }} , où ϱ {\displaystyle \varrho } désigne la fonction de Dickman.
De plus, Hildebrand a montré[6] que la formule Ψ ( x , y ) = x ρ ( u ) exp { O ( 1 ) } {\displaystyle \Psi (x,y)=x\rho (u)\exp\{O(1)\}} est valable dans le domaine

y > ( log x ) 2 + ε {\displaystyle y>(\log x)^{2+\varepsilon }}

si et seulement si l'hypothèse de Riemann est vraie.

Entier ultrafriable

Un nombre est dit B-superlisse ou B-ultrafriable si tous ses diviseurs de la forme pn, avec p premier et n entier, sont inférieurs ou égaux à B.

Par exemple, 720 (243251) est 5-lisse mais pas 5-ultralisse (parce qu'il a des diviseurs primaires plus grands que 5 : 32 = 9 > 5 ou 23 > 5). Il est par contre 16-ultralisse puisque son plus grand diviseur primaire est 24 = 16. Ce nombre est bien sûr aussi 17-ultralisse, 18-ultralisse, etc.

Les nombres ultrafriables interviennent en algorithmique, en théorie des graphes et bien entendu en théorie des nombres.

Notes et références

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Smooth number » (voir la liste des auteurs).
  1. R. de la Bretèche et G. Tenenbaum, « Séries trigonométriques à coefficients arithmétiques », Journal d'Analyse Mathématique (nl), vol. 92,‎ , p. 1-79.
  2. Cf. Tenenbaum et Mendès France 2013.
  3. « J'ai inventé le terme de "nombre lisse" pour désigner un nombre qui n'a que des petits facteurs premiers. Je ne me rappelle pas bien comment j'y ai pensé, sinon que "lisse" est plutôt le contraire de "grumeleux". » (Ronald Rivest, cité dans une discussion MathOverflow mentionnée dans Tenenbaum, Des mots et des maths).
  4. Gérald Tenenbaum, Des mots et des maths, Paris, Odile Jacob, , 215 p. (ISBN 978-2-7381-4900-8), p. 80-81
  5. (en) A. Hildebrand et G. Tenenbaum, « On integers free of large prime factors », Trans. Amer. Math. Soc., vol. 296,‎ , p. 265-290 (voir aussi Tenenbaum 2015).
  6. (en) A. Hildebrand, « Integers free of large prime factors and the Riemann hypothesis », Mathematika, vol. 31,‎ , p. 258-271.

Voir aussi

Sur les autres projets Wikimedia :

  • nombre lisse, sur le Wiktionnaire

Bibliographie

  • Gérald Tenenbaum et Michel Mendès France, Les nombres premiers, entre l'ordre et le chaos, Dunod, (ISBN 978-2-10-070656-3 et 2-10-070656-X)
  • Gérald Tenenbaum, Introduction à la théorie analytique et probabiliste des nombres, Paris, Belin, , 592 p. (ISBN 978-2-7011-9656-5).
  • Jean-Paul Delahaye, « Les entiers friables », Pour la science, no 539,‎ , p. 80-85

Articles connexes

Liens externes

Suites des nombres y-friables sur l'encyclopédie en ligne des suites de nombres entiers :

  • nombres 2-friables : OEIS A000079 (2i)
  • nombres 3-friables : OEIS A003586 (2i3j)
  • nombres 5-friables : OEIS A051037 (2i3j5k)
  • nombres 7-friables : OEIS A002473 (2i3j5k7l)
  • nombres 11-friables : OEIS A051038
  • nombres 13-friables : OEIS A080197
  • nombres 17-friables : OEIS A080681
  • nombres 19-friables : OEIS A080682
  • nombres 23-friables : OEIS A080683

(etc.)

v · m
Ensembles d'entiers sur la base de leur divisibilité
Formes de factorisation
Sommes de diviseurs
Nombreux diviseurs
Autre
  • icône décorative Arithmétique et théorie des nombres